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Témoignage de Alain CORNEAU
C'est tout simple : avant
l'arrivée du LC Concept, j'étais un metteur en scène malheureux.
Pourquoi ?
Parce que pour moi, évidence pas si évidente que ça, un
film c'est de l'image et... du son !
Il faut que je vous avoue
aussi que ma vie est bien partagée entre deux passions : musique et cinéma.
Donc, que se passait-il avant le LC Concept ?
On travaillait sur l'image, la chimie des émulsions pellicule faisait
de grands progrès, les caméras également, les ingénieurs
du son plateau étaient de plus en plus habiles, les techniques de mixage
évoluaient dans le bon sens, les consoles s'automatisaient à grande
vitesse, les pistes se multipliaient mais, plus on s'éclatait au mixage
final...plus on allait être malheureux au report optique !
Ces foutus tortillons noirs sur un fond plus ou moins blanc,tout ça collé
à côté de l'image, me donnaient des cauchemars.
Tous les effets, paroles, et musiques étaient aplatis, sans relief, sans
dynamique...sans parler des poussières en bruit de fond dès le
premier jour d'exploitation des copies... Et puis, j'oubliais la cerise sur
le gâteau : cet horreur de "filtre academy", une sorte de sanglante
moulinette obligatoire pour couper toutes les fréquences qui prenaient
la liberté de dépasser ce que l'optique voulait bien accepter.
Quelle horrible censure !
Le report optique tuait tout simplement la vie même de la bande sonore.
Personne ne pouvait entendre ce que nous, nous avions conçu et entendu
dans l'audi avec tant de plaisir !
Les spectateurs payants n'avaient tout simplement pas le droit d'écouter
la véritable bande son du film.
Et, comble de malheur et de frustation : dans notre vie de tous les jours, le
son numérique était déjà installé dans nos
maisons depuis belle lurette, le CD triomphait sans partage pour le plus grand
pied des mélomanes.
La lecture laser était devenu familière et nous, au cinéma,
les pros soit-disant, on en était encore au 78 tours, ou à peu
près.
Enfin, plus pernicieux encore, le diabolique Monsieur G Lucas avait fait une
pub d'enfer pour son "THX".
Le public avait été conquis par le fameux logo (très canon
effectivement), et plus personne ne pensait qu'on pouvait faire beaucoup
mieux... Peu de gens ressentaient l'urgence de, tout simplement, passer en numérique.
On avait donc toutes les peines du monde à convaincre les professionnels
qu'on était encore loin du but.
Le THX n'était qu'une amélioration technique de la chaine optique
: meilleurs filtres, meilleure balance, bons réglages, meilleure
acoustique, etc., mais ce n'était en rien révolutionnaire.
Impossible d'expliquer, tout se mélangeait dans la tête des exploitants,
du public, et même des metteurs en scène.
Et puis, un beau jour, j'ose me lancer sur un film dans lequel la musique allait
être au centre même du projet.
C'était : "Tous les Matins du Monde".
C'est alors que j'ai vécu un véritable miracle !
Dès le début du projet, j'entends parler du LC, je les contacte
(ou c'est eux qui le font, je ne souviens plus très bien) et je deviens
enfin un metteur en scène heureux.
Mon film sur la musique sera diffusé avec un système qui va enfin
tout simplement permettre d'entendre la musique !
On m'explique le système que je trouve très rationnel : time code
à l'extérieur des perfos et couplage synchronisé avec lecteur
de disques magnéto-optique.
Donc, peu de frais d'installation dans les cinéma (15 minutes de bricolage),
copie identique dans toutes les salles, et au bout de la
route : dynamique, pureté, véritables silences, j'en passe et
des meilleurs...
En un mot : LA solution idéale.
On mixe donc le coeur léger, enfin !
On réussit à convaincre quelques salles de s'équiper, et
ça marche, très bien, mieux que très bien, même.
Je me souviens...
Je me souviendrais toute ma vie du "MAX LINDER" (merci à eux
!), de notre émerveillement à la première projo, de la
qualité d'écoute du public ensuite, et puis de moi qui, par plaisir
pur, passe de temps en temps dans la cabine, juste pour le fun d'appuyer sur
le bouton "erreur" de la machine LC et de lire sur le led : 5%, 2%,
0%... Preuve tangible que le numérique passe bien à gros bouillons,
donnant l'influx vital à notre film.
Oui, vraiment, j'ai eu une vie avant le LC Concept, et une autre après
le LC Concept.
Je n'étais pas peu fier.
J'avais été le deuxième en France à faire du 4 pistes
dolby (sorte de bouilloire encodée infernale, mais progrès très
appréciable quand même), et j'étais bien le premier à
sortir directement un film en son numérique !
Mais, ce fût quand même la croix et la bannière pour expliquer
que c'était là une grande révolution.
Le THX était toujours la référence publique obligée.
Comment annoncer devant les salles que ce n'était plus du tout la même
histoire ?
Gros casse-tête qui n'a pas été résolu tout de suite,
à l'époque.
Quant à la suite de cette histoire du LC Concept, elle n'est pas très
gaie...
C'est l'éternelle histoire des gros qui mangent les petits.
L'histoire des riches et puissants qui écrasent les inventeurs...
Presque toujours, les inventeurs n'ont pas le temps, ni la tête, pour
les affaires, et pas l'esprit de méfiance assez développé,
sans doute.
"Il était une fois des petits français qui se feront avaler
par des gros américains"... on pourrait commencer comme ça
la "Ultimate Digital Story in the movies".
Alain Corneau